Les enfants naissent programmés pour apprendre, réfléchir, agir. Bien des années se sont écoulées depuis mes débuts dans l'enseignement. J'avais vingt-trois ans et mes élèves de Math Elem au Lycée français de Vienne n'étaient pas beaucoup plus jeunes que moi. Jouer le professeur de physique-chimie à l'autorité bienveillante, mais craint, ne convenait pas du tout et n'était même pas possible. J'ai tout de suite senti, compris beaucoup plus tard, qu'il valait mieux épauler que contraindre. Les élèves n'étaient pas des machines à apprendre, mais des hommes et des femmes en devenir, aux vécus différents, à l'abord plus ou moins facile, placés là, plus ou moins volontaires... La seule solution, susciter le plaisir d'apprendre, faire partager la passion pour l'expérimentation, la découverte des phénomènes, leur compréhension. Et c'est vrai, cela a bien fonctionné durant des années... Mais, premier barrage sur cette route bien dégagée menant apparemment vers un succès incontournable... Ma première inspection par un grand maître incontesté : "Vous n'y êtes pas du tout, vous vous exprimez avec une telle conviction que vous êtes capable de faire avaler n'importe quoi à vos élèves. Vous devez au contraire susciter le doute, amener les élèves à se poser des questions, à rechercher le pourquoi du comment..." Aie, bonjour la didactique de l'Education nationale, adieu le plaisir d'apprendre, l'émerveillement de la découverte, la satisfaction de la curiosité naturelle de l'être humain. Il faut être sérieux, étudier dans la froide discipline, se plier aux directives, ne pas faire de vagues en préconisant des façons de faire sortant de l'ordinaire. Ainsi faire du spectacle avec la participation des spectateurs ne convenait pas ! Apparemment l'école étouffe, très vite, l'envie d'apprendre et orienter vers la dépendance vis-à-vis des professeurs. Nous restons chapeautés par le bicorne napoléonien, le bonapartisme, la tête qui veut tout diriger d'en haut... Bon, depuis l'expérience aidant, ainsi que la lecture de nombreux ouvrages éducatifs, je me suis rendu progressivement compte que la solution pour amener les élèves à partager mes vues résidait dans un savant dosage de didactique et d'affectif. Rien n'est plus difficile que d'enseigner ! L'équilibre contraignant entre l'ordre et l'enthousiasme ! Aussi, désormais à la retraite, le besoin me prend, non pas d'écrire mes mémoires, mais de témoigner, de faire connaître mes conclusions, d'indiquer des pistes innovantes. Et elles ne sont pas si nombreuses, ces pistes. La motivation en est une, qu'il faut cultiver, indissociable de la réussite. On pourrait d'ailleurs dire que motivation et réussite se synergisent et constituent le vrai puissant levier pour apprendre et entreprendre efficacement. Dit autrement, la seule chaîne vraiment rentable pour réussir : une activité qui a du sens, des efforts récompensés et reconnus, donc du plaisir, de la motivation pour persévérer, and, at the end, you do something you really love to do ! That's the way it works ! (In fine, vous faites quelque chose que vous aimez vraiment ! C'est ainsi que çà marche !) Rappelons qu'à la naissance, nous possédons tous, à peu près autant de neurones dans la tête pour le stockage des informations à venir. Donc, pratiquement, les mêmes potentiels acquis à la conception. Ensuite, les efforts pour apprendre, pour comprendre, pour se perfectionner multiplient par milliards le nombre de synapses entre ces neurones. L'intelligence résulte des expériences du passé de chacun. L'intelligence, c'est la connectique qui relie les centres d'information et qui permet leur exploitation par les centres de tri ! Quand certaines connexions sont souvent utilisées, de sentiers elles deviennent autoroutes. Les neurones concernés, à leur tour, prennent du volume et s'associent en réseaux aux neurones avoisinants pour mieux traiter l'afflux d'informations. La fontanelle de Blaise Pascal ne s'est jamais fermée. Sûr, inventer tout jeune la machine à calculer ne s'est pas fait sans d'intenses réflexions et une préparation paternelle de premier ordre! L'étude du cerveau d'Albert Einstein après sa mort a montré des sillons entre les circonvolutions bien plus profonds que normalement. D'où l'expression "Se creuser la cervelle" pour résoudre les problèmes. La conséquence est une superficie du cortex cérébral plus grande, c'est-à-dire des facilités cognitives supérieures à la normale. Le cerveau de son fils par contre était normal ! Mais revenons à l'expérience éducative ! Il est vrai que toutes ces années que j'ai connues dans les lycées français à l'étranger et les écoles européennes avec des élèves triés sur le volet n'ont rien à voir avec une carrière dans les conditions souvent difficiles rencontrées dans les établissements de France. "Si vous ne forcez pas les élèves à travailler, ils ne fichent rien", me disait encore récemment un directeur de collège. Il faut bien sûr reconnaître que beaucoup d'enseignants sont à la peine, attendent la retraite en essayant de survivre ou abandonnent, dégoûtés. Le plus beau métier du monde n'est vraiment pas celui que l'on croit. Faut-il me taire pour éviter tout conflit avec les enseignants ou au contraire m'informer toujours et encore, réfléchir, proposer des solutions alternatives ? Le devoir d'expression ! A cela il convient d'ajouter que l'on a jamais autant écrit sur l'éducation, mais aussi peu fait pour assurer l'avenir des enfants. Des enfants qui, pourtant, naissent programmés pour apprendre et créer, et auxquels il faudrait absolument conserver cette formidable aptitude pour la vie entière et non pas la gâter dès le départ. La mémoire, le traitement des informations, le contrôle des émotions, entre autres, sont des facultés cultivables, améliorables, perfectibles grâce à l'entraînement. Comment maintenir la motivation nécessaire pour déployer l'intelligence ? Disons-le haut et fort, quelle que soit la pédagogie appliquée, l'enseignant motivateur doit apporter des choses essentielles en classe : l'empathie, la compréhension du fonctionnement des jeunes cerveaux et la passion de ce qu'il enseigne. Le monde évolue plus ou moins bien, mais vous pouvez améliorer l'éducation pour un avenir meilleur pour tous. Enseigner moins, mais enseigner mieux ! |
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