Une réponse à l`échec scolaire (Présenté en 1992 devant le Conseil National des Programmes, Robert Baehrel, Walter Henderson)

En réalité, l’échec scolaire peut s’expliquer assez simplement. Il découle inévitablement du système d’examen lui-même avec son évaluation globale des épreuves. Entraînant ou succès ou échec. L’échec n’est pas inhérent à l’élève, mais relève bien de l’examen lui-même. S’il est possible de réussir à passer le mur que constitue un examen, il est tout aussi possible d’être recalé. Le passage possible implique l’échec éventuel. L’examen peut produire du succès, il est à même également de produire de l’échec. Si nous prétendons vouloir être sérieux pour lutter contre l’échec scolaire, alors il est évident qu’il nous faut revoir notre système d’examen.

En l’absence de critères d’évaluation définis de manière précise, les enseignants connaissent un réel problème concernant la notation aux examens. Dans « Le niveau monte », Baudelot et Establet, chercheurs en sciences de l’éducation, ont montré de façon indiscutable l’écart entre les notes données par 25 enseignants, 5 dans chaque matière, chacun ayant corrigé les 100 mêmes copies. En français, l'écart moyen était de 16,5%, l'écart maximum atteignait 65%. Pourcentages similaires en philosophie et en latin. Mais, même en mathématiques, l'écart maximum atteignait 45%.

L’échec scolaire, ce n’est pas tout simplement la réussite ou l’échec au baccalauréat. La plupart des élèves qui échouent au bac, et ils ne sont pas nombreux, réussissent l’année suivante. D’ailleurs, les bons résultats au bac de nombreuses écoles des Etats membres de la Communauté indiquent clairement que les élèves en difficulté ont été proprement éliminés avant les examens finaux. L’échec scolaire en réalité, c’est bien sûr bien plus l’ignominie à être rejeté.

Pour l’enseignant, le redoublement est nécessaire pour maintenir le niveau et donner une seconde chance à l’élève. Souvent le redoublant semble améliorer ses résultats l‘année suivante, mais selon D. Dacunha-Castelle, il n’existe aucune preuve dans aucun cas qu’un redoublement ait été définitivement bénéfique. Par contre, et les observations le prouvent, les élèves qui ont redoublé une ou plusieurs fois sont également ceux qui ratent leur bac.

Pour l’élève, le redoublement est une véritable punition pour sa stupidité. Il se retrouve dans une classe d’élèves plus jeunes avec une réputation de stupidité. Dans une enquête menée en France par le « Monde de l’Education », les jeunes devaient choisir dans une liste ce qu’ils craignaient le plus dans la vie. « Redoubler une classe » venait en seconde position immédiatement après « la mort d’un parent ». Il n’est pas surprenant que, pour de nombreux adolescents, l’école constitue une expérience véritablement stressante. La réaction à ce stress peut prendre diverses formes. L’une d’entre elles est certainement le développement d’attitudes antisociales et négatives envers l’école. De plus, la classe qui reçoit le rejeté est elle-même inévitablement affectée.

En Allemagne et en France, les gouvernements successifs ont bien essayé de réduire le nombre des redoublants. Par des réorientations sans lendemain ! Donc, sans grand résultat. Comment pourrait-il en être autrement ? Celui qui ne redouble jamais obtient logiquement son bac. Mais toute la population scolaire ne peut pas envisager de faire des études supérieures. En fait, moins de 20% des jeunes arrivent au bout des études supérieures. Le baccalauréat introduit par Napoléon avait pour objectif de sélectionner les élèves du secondaire aptes à faire des études supérieures. Officiellement, il a toujours le même objectif ! La contradiction est évidente. Les études secondaires préparent les élèves au bac en vue des études supérieures et seul 20% y réussissent. Quelle entreprise au monde pourrait se permettre un tel rendement ?

En France, en particulier, les taux d’échec à l’université sont très élevés et peuvent dépasser 50%. En première année de médecine, les taux d’échec atteignent 90%. On trouve des résultats comparables dans d’autres Etats de la Communauté qui utilisent un examen à note globale comme moyen de sélection pour les études supérieures. La conclusion est évidente. Ce baccalauréat est extrêmement inefficace pour sélectionner les élèves en vue des études supérieures.

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