Laissons-les apprendre seuls ! Intérêt des fiches de travail dans l'enseignement (En partie, déjà présenté dans "Changer l'école, un pari possible", Robert Baehrel, Walter Henderson, 1992, L'Harmattan)

Bien que les professeurs améliorent sans cesse leurs méthodes pédagogiques, tous les jours en Europe des milliers et des milliers de cours s’avèrent peu valables, inefficaces, voire complètement ratés ! Trop d’élèves quittent l’école le soir, ayant perdu beaucoup de temps pour de bien maigres résultats. Comment circonscrire ce gâchis ? Le rôle du professeur n’est pas d’assurer la garde des enfants, or c’est trop souvent ce à quoi il est réduit ! Parce que le courant ne passe pas, parce qu’il ne sait pas comment s’y prendre pour éveiller l’intérêt de tout son auditoire ! La communication magistrale d’un savoir ! Une efficacité bien illusoire ! « L’enfance a des manières de voir, de penser, de sentir qui lui sont propres; rien n’est moins sensé que d’y vouloir substituer les nôtres. Trop souvent, l’élève se borne à subir un enseignement, sans savoir pourquoi on lui impose telle ou telle connaissance, sans avoir le temps de se l’approprier réellement par un travail personnel... des exigences qu’il est hors d’état d'atteindre ».

Il vaut mieux une heure de travail individuel intensif que trois heures de cours frontal au profit lamentable. « Dans combien de classes, si les élèves étaient autorisés à sortir à leur guise, resteraient-ils assis une heure à se taire et à écouter ou à faire semblant ? ». La tête et le coeur des jeunes gens sont ailleurs qu’au tableau noir. Pour beaucoup, la pédagogie secondaire classique engendre l’ennui, le refus, l’agitation. « Schluss mit dem Frontalunterricht ! » criait désespérément dans le micro qu’on lui tendait une enseignante lors d’un récent colloque.

Des élèves qui se prennent en mains ! Parlons moins, faisons agir plus et observons ! Tout d'abord, à l'évidence, les élèves sont différents. Alors laissons les élèves travailler seul, ou mieux, par groupes de trois pour favoriser interactions et synergies. Dans des salles suffisamment grandes, meublées de tables larges et disposées comme dans une bibliothèque. A leur disposition, des fiches de travail, soigneusement préparées, pour susciter l’intérêt et permettre l’autonomie. Des fiches qui ont pour but d’inciter les élèves à rechercher eux-mêmes et activement les informations. Et, à trois, en élaborant des réponses conjointes, les élèves développent de plus leur capacité à s’entendre. Ce qui n’est pas facile. Le social, c’est fondamental. Les élèves, s’ils le désirent, peuvent quitter la salle de classe, se rendre au centre de documentation ou se connecter sur le réseau Internet pour faire des recherches et réunir des informations. Les discussions entre élèves ne sont pas seulement autorisées, mais tout à fait souhaitables ! Interactions et synergies ! Et ces échanges ne dégénèrent pas en bavardages incontrôlables. De plus, en cas d’absence du professeur, les élèves travaillent comme à l’accoutumée et ne traînent pas dans les couloirs. Les élèves considérés en tant que personnes se comportent tout à fait correctement.

D’ailleurs, ils mûrissent, semble-t-il, plus vite dans ces conditions et deviennent des êtres responsables et désireux de se perfectionner. Bien entendu, les élèves doivent être habitués au plus tôt à cette manière de travailler. Pour des élèves non formés aux méthodes actives et abandonnés à eux-mêmes, le peu d’envie de travailler est automatiquement générateur de bavardages, de paresse et de conflits. La classe part à la dérive et personne ne peut plus se concentrer sur son travail. Il est très important de savoir travailler seul et de ne compter que sur soi-même. « L'apprenant tel qu’il est, avec ses connaissances, ses modes de penser et d'agir, sa structure mentale, doit être au coeur du dispositif éducatif ». L’harmonie peut s’établir entre les trois pôles nécessaires à l’éducation scolaire: le professeur, l’élève et le savoir ! L’attention n’est plus centrée sur le maître, mais sur l’élève.

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