Les réformes indispensables pour un système éducatif performant

Notre système éducatif vise, plus que tout autre au monde, l'excellence. L'intention est louable. Mais seuls peuvent en bénéficier les enfants bien nés, soutenus efficacement par leurs parents. Suivre les cours, atteindre les niveaux imposés sont hors de portée pour des millions d'élèves. Pour beaucoup il s'ensuit absentéisme, décrochage scolaire, frustration. D'où résignation ou agressivité. Pour les mal nés, difficile de sortir du déclassement. Le clivage social s'aggrave toujours plus entre nantis et subalternes. Comme la plupart des humains sont plutôt visuels, il faut toujours garder à l'esprit qu'on ne retient que 5% de ce qu'on écoute, 10% de ce qu'on lit, 80% de ce qu'on fait et 90% de ce qu'on est capable d'expliquer avec ses propres mots. Quand on essaie de changer quelque chose dans la société, on constate invariablement ceci : d'abord, les gens se rient des idées nouvelles, ensuite, ils les combattent, et, par la suite, ils finissent par les accepter comme normales. Ci-après, quelques propositions...

- Une énorme entreprise comme l'Education Nationale avec plus d'un million d' employés a une telle inertie qu'il est pratiquement impossible de faire bouger les choses et d'améliorer les façons d'enseigner. Un état dans l'état, fonctionnant à part, coupé des réalités. Il faudrait absolument scinder, scinder et encore scinder cet organisme devenu ingérable. Et l'ouvrir au monde ! Avec une gestion en place pour des décennies, c'est-à-dire une gestion locale avec des personnels compétents et attachés au long terme, pour un suivi efficace loin des ordonnances parisiennes avengles. Le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, est aux commandes depuis plus de quinze ans. Grâce à son expérience, il a du poids lors des négociations européennes. Le ministre des Affaires étrangères, Hans-Dietrich Genscher, n'a pratiquement jamais quitté son poste durant sa carrière et a été l'un des artisans de la réunification allemande. Aux postes-clés, il faut de la continuité pour des résultats à long terme.

- Le cours frontal doit être aboli. Les "profs" (expression péjorative) craignent tellement les bavardages qu'ils se sentent obligés de parler et de parler sans arrêt et personne n'écoute vraiment. Recopier le tableau sans chercher à comprendre, comme le font trop souvent la plupart des élèves, n'est vraiment pas la solution ! Des témoignages d'élèves sérieux qui disent perdre leur temps en classe ne sont pas rares. Il serait donc pertinent de proposer aux élèves des fiches de travail leur donnant les moyens d'étudier de manière autonome et responsable. Bien sûr, il serait alors nécessaire d'amener en classe ces magnifiques manuels scolaires que produisent nos éditeurs, ouvrages si peu utilisés. Il est absolument indispensable d'habituer très tôt les élèves à étudier de cette façon. Commencer en terminale avec des fiches de travail, ça ne marche pas ! Les élèves attendent qu'on leur dise ce qu'il faut faire. Se prendre en mains, compter sur eux-mêmes, ils ne savent pas d'emblée !

- L'enseignant doit être particulièrement motivateur, c'est-à-dire aimer les jeunes et montrer la passion de la matière qu'il enseigne. Et non seulement distribuer des connaissances, mais habituer les élèves à l'autonomie, les initier à la créativité. Il faut absolument former les futurs enseignants aux pédagogies éprouvées (Montessori, Freinet, etc) et assurer leur formation continue, suivie, enrichissante...

- Eviter l'usage immodéré de l'internet qui rend superficiel, paresseux, incapable de chercher-trouver dans les livres et dictionnaires.

- Faire du proviseur un véritable chef d'entreprise, responsable en particulier du recrutement des professeurs. Et, pourquoi pas, comme en Ecosse, en chef d'établissement, un enseignant élu par ses collègues, pour une durée de deux ans, et plus, si cela convient. Quand on endosse le costume de proviseur, on devient vraiment proviseur, c'est-à-dire que l'on épouse la fonction. Responsabilités obligent. Le titre peut monter à la tête. D'où l'idée du "petit chef" qui circule dans les couloirs et que craignent tant les enseignants. Et, pourtant, le monde réel fonctionne partout avec des responsables et des subalternes. Mais le monde à part de l'enseignement récuse cette réalité. Il faut dire que le professeur, isolé dans sa classe, seul maître à bord, protégé envers et contre tout, bénéficie d'une indépendance et d'une liberté uniques au monde, et a peu de comptes à rendre. "Ici, l'on peut gâter un élève sans qu'il n'en coûte rien". Evaluation des enseignants entre eux et entraide au lieu du chacun pour soi ! Concertation et travail en équipes. Plus d'enseignants bien formés aux techniques éducatives et formatives et moins de "profs savants" ! Surtout les inviter à sortir de l'école...

- Interdire toute évaluation avant douze ans. Les notes sont sources de tension ! Les enfants des beaux quartiers les apprécient parce qu'elles sont généralement bonnes. Pour les enfants des bas quartiers, elles sont décourageantes et traumatisantes parce qu'elles sont souvent mauvaises. Proposer aux plus grands des questionnaires (QCM) sur internet pour une auto-évaluation en toute discrétion, à l'abri des regards d'autrui. Les sales notes habituelles, ça tue ! Et les "profs" ne gagnent rien à inscrire ces notes dans le carnet. Et à la maison, devant ces notes, les parents en rajoutent. L'élève doit pouvoir se tromper sans avoir peur d'être sanctionné...

- Abolir les redoublements = S'occuper tout particulièrement des élèves en difficulté. Avant tout, donner confiance. Respecter ce grand besoin de tout un chacun d'être considéré. Faire retrouver l'envie d'apprendre présente à la naissance, mais qui s'effiloche ensuite à cause d'une éducation inadaptée. Eviter d'étouffer la motivation. Susciter l'autodétermination en évitant de tout imposer. L'élève doit absolument avoir du plaisir à apprendre et en retirer des satisfactions motivantes.

(La suite...)